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Les Voivres
Actualité / Message

"Trommelfeuer" sur Verdun

20 févr. 2016 Par jeannot88 2 réactions
Avant de commémorer le centenaire du début de la bataille de Verdun, je veux rappeler que des 28 jeunes hommes dont les noms sont gravés sur le monument aux morts de Les Voivres (tous n'y étant pas forcément nés), érigé en 1920, 7 ont été déclarés "morts pour la France" au titre de 1914 et 6 autres au titre de 1915 ; 4 le seront à celui de 1916 ; 4 également pour 1917 ; 5 pour 1918 et encore 2 en 1919 des suites de maladie contractée en service.
Je veux aussi préciser que, tout (ou presque, car cela va encore se poursuivre au long de cette année) ayant été dit sur Verdun, je souhaite simplement essayer de décrire sommairement et, malheureusement très imparfaitement, l’itinéraire d’un enfant du village, happé – on ne sait pas trop dans quelles circonstances – par des blessures suffisamment graves pour qu’elles débouchent finalement sur sa mort dans un hôpital temporaire au sud-ouest de Verdun.
C'est donc ainsi que, personnellement et en tentant de parler à sa place (certes, c'est présomptueux mais je pense que cela le fait "revivre" un peu), je commémorerai le 100ème anniversaire du début - par ce pilonnage, cet orage d'acier - de la bataille de Verdun.
On peut dire que 1916 fut une année un peu plus clémente à l’égard de notre commune, puisque on y recense donc seulement (si j’ose dire) 4 tués : Marie Joseph Gérard et Augustin Déprédurand, tous deux respectivement tués à l’ennemi les 11-08 et 6-09-1916 dans la Somme. Le caporal Albert Thomas avait, lui, disparu le 11-07-1916 dans le tunnel de Tavannes – avant donc la terrible catastrophe du 4 septembre - http://chtimiste.com/batailles1418/combats/tavannes.htmet . Celui, le seul véritablement concerné (ce qui suffit à expliquer que je vais m’intéresser à lui) par les débuts d’une bataille qui devait durer jusqu’en décembre, décéderait donc des suites de ses blessures le 12-05-1916 à l’hôpital temporaire n° 12 de Vadelaincourt.
http://pages14-18.mesdiscussions.net/pages1418/Forum-Pages-d-Histoire-service-sante-1914-1918/service-bataille-verdun-sujet_518_1.htm
(intéressant forum malgré de nombreuses suppressions d’images)
ATTENTION, CECI EST UN "RECIT-FICTION"... imaginé à partir de faits réels piochés çà et là sur le Web évidemment mais aussi dans la brochure de Marie Houillon "Les Voivres 181ème anniversaire 1793-1984" et l'arbre généalogique de Romain Pelletier que je remercie.
Dernier né d’une fratrie de 8 enfants (Maria Héléne 1869, Ernest Augustin 1872, Marie Louise 1879, Marie Léonie Berthe 1880, Augustin Séraphin 1883, Emile 1885, Arthur René 1887), j’ai fait le bonheur de mes parents : Augustin Benjamin Déprédurand 1845-1905 (domestique, manœuvre, cantonnier, fermier) et Marie Scolastique Goutte 1847-1916..1941 ? (domestique, manouvrière, brodeuse, cultivatrice), en naissant le 26 juin 1890 dans le petit village de Les Voivres qui, avec ses 650 habitants, se trouvait déjà sur la pente dangereuse du déclin, démographique en tout cas.
Trop jeune pour m’en souvenir, c’est probablement le maire, Jules Porte, ou l’un de ses adjoints, qui a rédigé mon acte de naissance et c’est donc là, à l’ombre du clocher de l’église Saint Rémi et dans la maison (ferme ?) familiale proche de la grande côte des Voivres, que je me suis épanoui en compagnie de mes frères et sœurs.
D’ailleurs, ne serait-ce pas l’abbé Daubié qui m’aurait baptisé ? Plausible, puisqu’il a assuré le culte jusqu’à sa mort en 1893. Loin d’imaginer ce que le destin me réserverait quelque 16 ans plus tard, j'espère également avoir été la fierté de mes parents et de toute la famille réunie, le jour de ma communion solennelle, brassard au bras gauche, muni d’un chapelet ainsi que d’un missel, dans mon costume à la veste ornée d’une médaille de la vierge à hauteur de la poitrine, au cours de la cérémonie célébrée alors par l’abbé Perrin.
J’irai à l’école des Voivres, laïque de puis 1880, sans doute semblable à d’autres écoles de l’époque, telle que celle-ci
http://www.voyageurs-du-temps.fr/L-ecole-communale-des-annees-1900-de-la-belle-epoque-la-salle-de-classe-pupitre-des-ecoliers-1900_1168.html, tout en aidant ardemment mes parents à la ferme et aux champs.
J’y entendrai parler de la carrière de la Colause (ou je me suis sans doute aventuré) ouverte en 1899 et parvenant à une activité intensive en 1903 pour reconstruire la digue de l’étang de Bouzey rompue en 1895. Mais oui malgré mes 5 ans, cette catastrophe a eu un tel retentissement que je m’en souviens parfaitement et même des "Champs Founés ", une petite carrière « à proximité du centre du village », exploitée par Adrien Claudé.
J’ai peut-être aussi rêvé du Corps des Sapeurs pompiers, créé en 1869, mais je ne suis plus sûr d’en avoir fait partie. d'autant que le prestige de l'uniforme n'est plus (si tant est qu'il puisse y avoir été) à l'ordre du jour, vous vous en doutez...
Est-ce que, comme plus tard, le "dônage" existait déjà ? Probablement que oui, tant cette tradition est ancestrale. Toujours est-il que, "dôneur" et "dôneuse" ou pas, je me suis marié avec Marie-Cécile Munier. Quand ? Malgré l’importance de l’événement, ma mémoire d’outre-tombe a du mal à revenir et je ne connais rien du destin de ma tendre épouse - voire d'enfant(s) -, que j'ai du mal à imaginer veuve et orphelins, ce qui me torture encore plus. Certainement avant (peu probable) ou pendant mon "premier" service militaire. Mais là, la situation s’est compliquée.
Depuis la loi Berthou de 1905, le tirage au sort des conscrits, afin d’incorporation sous les drapeaux, a été supprimé. Des sursis étaient possibles, mais tous les hommes étaient alors appelés pour deux ans. En août 1913, la loi Barthou fait passer le service obligatoire de 2 à 3 ans. Avec la classe 1913, les classes 1910-1911-1912 déjà dans les casernes, seront les classes les plus sacrifiées. En service pour trois ans, elles allaient être rappelées (la classe 1910 avait fait deux ans) ou devoir poursuivre leur engagement en raison de la durée de la guerre. Ainsi, on évalue avec le recul, le désespoir des soldats de 1910, démobilisés fin 1913, puis rappelée moins d’un an près.
Ce n’est qu’à l’été 1919 que l’on démobilisera ces classes ou, plutôt, les survivants (dont je n’ai pas fait partie évidemment) de ces classes. Certains hommes avaient pu faire 7 à 8 ans sous les drapeaux.
Numéro 809 au matricule au recrutement d’Epinal, j’avais été, selon toute vraisemblance, affecté au 170ème RI, le régiment, surnommé plus tard, des « hirondelles de la mort ».
En 1913, caserné à Épinal en défense de la forteresse, il fait partie de la 48ème Division d'infanterie de février 1915 à décembre 1916.
Après une période de grand repos - bien méritée après de nombreux faits d'armes entre le 24 septembre 1914 et novembre 1915 - dans la région de Givry en Argonne, le 170ème est appelé à Verdun le 17 février 1916. Dans la nuit du 28 au 29, il se porte dans le secteur de Vaux, devant Damloup.
On lui confie la mission d'arrêter l'avance ennemie devant le village de Vaux. Il en organise solidement la défense jusqu'au 2 mars, jour où les Allemands déchaînent sur nos positions un bombardement extrêmement violent par obus de tous calibres et par obus asphyxiants.
L'infanterie ennemie attaque à 6 h.35. Prise sous les rafales de nos mitrailleuses, elle est arrêtée et se replie, abandonnant sur le terrain de nombreux cadavres.
Le 3 mars, le 170ème reçoit l'ordre d'attaquer le village de Douaumont.
A 17 h 45, il part des tranchées Nord de la ferme Thiaumont.
Malgré un feu nourri de mitrailleuses et un violent tir de barrage d'artillerie, il occupe à 18 h 30 son objectif, la lisière N-E. du village.
Le 24 avril, le régiment est appelé une deuxième fois à prendre part aux combats de Verdun.
Le 25, il occupe le célèbre et redoutable secteur de la Caillette. Il doit s'y maintenir jusqu'au 1er mai, sous les tirs de destruction de l'artillerie ennemie. Le Colonel Bertrand, blessé grièvement, passe son commandement au Lieutenant-Colonel d'Albis de Gissac.
Le 1er mai, à 18 heures, le 170ème attaque les positions ennemies. Chassé deux fois par le 9ème Grenadiers de la Garde prussienne des objectifs atteints, il les reprend une 3ème fois, en reste le maître incontesté et conserve ses positions jusqu'au 5 mai, date à laquelle il est relevé.
Le 4 mai, le Lieutenant-Colonel d' Albis de Gissac avait été à son tour grièvement blessé; le Commandant Nouvion prenait le commandement du régiment.
Les pertes du 170ème avaient été sérieuses, mais il avait écrit une page glorieuse de son histoire, la citation suivante à l'ordre de l'Année :
Ordre Général N° 195 du 28 mai 1916
Le Général Commandant la IIème. Armée cite à l'ordre de l'Armée le 170ème Régiment d' Infanterie :
« A pris part à toutes les grandes actions de la campagne depuis le 24 septembre 1914 et s'est constamment signalé par sa bravoure, son esprit de sacrifice, son endurance et son excellent esprit. En dernier lieu, sous le commandement du Lieutenant-Colonel d'Albis de Gissac, officier supérieur d'une énergie et d'une bravoure à toute épreuve, s'est emparé dans un élan magnifique d'une ligne de tranchées allemandes solidement défendues, dans un secteur où l'artillerie ennemie faisait rage ; s'est maintenu sur la position conquise jusqu'à ce qu'il fut relevé cinq jours plus tard, repoussant de furieuses contre-attaques et ne cédant pas un pouce de terrain. »
Signé : Nivelle
Ai-je été blessé et de quelle façon avant mai 1916 (finalement, à défaut des circonstances, j'apprendrai que c'est le 1er mai) ou début mai, comme dans cette chronologie ?
[ 1er mai
Rive droite
Au début de mai, le front français sur la rive droite se dispose de la façon suivante :
- la 24e D.I. est en ligne à Marre-Charny ;
- la 23e D.I. à la cote du Poivre ;
- la 28e D.I. (22e, 30e, 99e et 416e R.I.) dans le ravin de la Mort ;
- la 48e D.I. (170e, 174e R.I., 1er mixte Z.T.) dans le secteur de Souville ;
- la 6e D.I. dans celui de Tavannes et enfin ;
- la 27e D.I. (52e,75e, 140e et 415e R.I.) de Damloup à Eix.
A 18 h, dans le secteur de la Caillette-Souville, le 170e R.I. qui est en position à la tranchée Driant, part à l'assaut.
Le 1er bataillon est repoussé 3 fois de suite. A la 4e tentative, ses hommes parviennent à repousser les Allemands et à prendre pied dans leur 1ère ligne.
Les 2 autres bataillons sont soumis aux feux nourris des mitrailleuses allemandes. Leur progression est beaucoup moins significative. Ils parviennent néanmoins à prendre quelques positions à l'ennemi.
Durant cet assaut du 1er bataillon. 2 officiers allemands et 130 hommes ont été fait prisonniers.
2 mai
Rive droite
Les 3 bataillons du 170e R.I. répondent à plusieurs ripostes allemandes sur les positions prises la veille... les lignes tiennent.
Témoignage du soldat Lecuellé du 170e R.I. : " Nous étions brûlés par la soif. Nous cherchions partout de l'eau, personne n'en avait. Un trou rempli d'une eau verte qui sentait le cadavre était l'objet de nos convoitises, mais les mitrailleuses ennemies le tenaient sous leurs feux. Ceux qui s'en approchaient en rampant lui formèrent bientôt une couronne de cadavres…
Chose étrange, sans souci de l'averse de fer et d'acier, des explosions et des éclatements, des alouettes planaient au-dessus de cette horreur, s'élevaient et s'abaissaient en chantant au soleil. "
3 mai - Intense bombardement allemand sur la cote 304 (rive gauche)
Rive droite
Sur front du 170e R.I. (tranchée Driant), les attaques allemandes continuent avec beaucoup plus de violence que la veille.
4 mai - Attaque allemande sur la cote 304 (rive gauche)
Rive droite
La lutte que mène le 170e R.I. aux abords de la tranchée Driant, dans le secteur de la Caillette, se poursuit inexorablement.
5 mai - Attaque allemande sur la cote 304 - Violents combats au bois Camard (rive gauche)
Rive droite
Au soir, le 170e R.I. est relevé.
Depuis le 22 avril, il a perdu 812 hommes tous secteurs confondus. Il est récompensé d'une citation officielle, mais il se trouve récompensé plus encore par le nom "d'Hirondelles de la Mort" que l'ennemi a décerné à ses hommes. ]
Je ne sais pas, je ne sais plus, je ne sais rien et ma famille guère plus. On remarquera cependant qu'elle a, en perdant deux fils (j’avais également un grand frère, Augustin, soldat du 149ème RI, qui sera "tué à l'ennemi" 4 mois plus tard à Soyécourt dans la Somme) été fortement éprouvée. A lire les noms sur "mon" monument aux morts, d'autres le seront aussi.
Qui suis-je ?
Je suis Georges Paul Déprédurand du 170ème RI. Je suis donc mort, le 12 mai 1916, des suites de mes blessures, survenues, aux dernières nouvelles, le 1er mai 1916, jour où Nivelle prenait la succession de Pétain. Asphyxié par les gaz ? Déchiqueté par un obus ? Transpercé par les balles ? Incapable de le dire. Je suis, selon la formule consacrée, « Mort pour la France ».
On m’a dit que mon décès a été transcrit le 17-08-1916 à Bains-les-Bains. Pourquoi Bains-les-Bains et pas Les Voivres ? Pourquoi Eugéne Dautreville, alors maire de Les Voivres, n'aurait-il pas été informé ?
Lieu d’inhumation inconnu, aucune donnée connue à ce jour, aucune donnée complémentaire : restent donc beaucoup de questions sans réponses !
« Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs » C. Baudelaire
jeannot88

L'auteur jeannot88 est l'auteur de ce message sur Les Voivres (Vosges) publié le samedi 20 février 2016 à 18h56.

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Les commentaires (2)

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23 févr. 2016 09h28

Bien entendu mais les témoins se font de plus en plus rares. Forcément avec l'âge... On le voit bien dans les Associations décimées par les disparitions de leurs adhérents.
C'est pour cela que je plaide (nous plaidons) pour tout ce qui peut encore être versé à l"Histoire en général et à celle de Les Voivres en particulier. Mais c'est un peu comme sœur Anne pour l'ODCVL ou le couscous de la Maison d'ici : on ne voit (plus) rien venir.
Pour ce que l'on ressent, j'en ai eu un très petit aperçu à Beyrouth : avant = un soupçon d'appréhension ; pendant l'action = rien sinon l’obsession (plutôt le réflexe) de "bien faire" ; après = sensation de peur rétrospective et impuissance.

21 févr. 2016 05h59

Si votre récit sur Les Voivres me parle, je n'arrive jamais à comprendre ce que l'on peut ressentir dans ces moments terribles, une bataille, les camps de la mort...
Je lis, je lis en ayant presque honte d'être là au chaud à lire.
C'est pour cela que les témoignages comme l'an dernier à Grandrupt celui d'un déporté sont si importants

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