L'éditorial en question et ma lettre au "Courrier des lecteurs"

Monsieur le Président du Comité éditorial,

A la lecture de votre éditorial « Peut-on ou non réformer notre pays ? » de ce samedi 12 août, je saisis le fossé qui nous sépare.
Souffrez que je ne sois pas d’accord avec vous et si vous êtes le démocrate que je crois, vous voudrez bien que ma réponse paraisse dans le "Courrier des lecteurs".
A défaut de ne pas être totalement dans le flou, les choses ne sont pas aussi claires que vous voulez bien le dire ou que vous les voyez.
Certes, une majorité parlementaire est là, reste à savoir si « elle fait la loi comme il se doit ». Ce n’est pas réellement le cas et si vous additionnez les couacs, les cafouillages, il se peut que les choses avancent mais elles avancent mal, par à-coups, un peu trop parfois au gré des circonstances.
Sans être exagérément un « prophète de malheur », je trouve que beaucoup de difficultés sont survenues, qu’un certain nombre d’affrontements se sont déjà produits et que la crainte est bien réelle d’en voir se produire d’autres. Il n’est pas inconvenant non plus de prétendre que la fermeté du gouvernement et du président de la République a été prise à défaut à de nombreuses reprises au cours de ces fameux "Cent jours". Oui, « l’incertitude se répand » et s’ajoute ainsi à d’autres événements annonciateurs de nuages qui ont déjà nui et qui risquent bien, au fil du quinquennat, de continuer à nuire à « la cohésion de l’action » mais surtout à celle du pays.
Je ne suis pas de ceux qui reprochent au président Macron de ne pas s’exprimer suffisamment. A maintes occasions, que ce soit déjà comme ministre puis candidat et enfin président, il a démontré qu’il aurait pu s’en abstenir. Si on ne peut « l’entendre sur les perspectives de l’action entreprise », peut-être que lesdites perspectives sont si limitées que point n’est besoin d’en parler. Je ne suis pas certain non plus que les 25 % à peine du corps électoral qui l’ont porté au pouvoir par un vote teinté d’une forme de rejet anti Le Pen, aient imaginé que la « démocratie vivifiante » que vous nous citez, ressemble à sa jupitérienne verticalité qu’il veut nous imposer. Pour ma part, si j’ai pu me réjouir de l’arrivée à la fonction suprême d’un homme jeune, entreprenant, assumant aisément son côté privé et doté probablement d’autres qualités qu’il est tout à fait possible de lui attribuer, le bilan est assez "rageant".
Réformer, même au prix d’accepter « les annonces d’économies, même si elles sont rigoureuses » oui, à condition qu’elles soient justes… et bien expliquées. Je ne crois pas que considérer des retraités nantis à partir de 1200 €, raboter - même si l’APL est à revoir - 5 € à des étudiants dont beaucoup sont en difficulté mais qu’exonérer de l’ISF les riches au patrimoine mobilier exorbitant soit honnête.
Votre propos sur les « petites entités territoriales » me semble même quelque peu suffisant. On croirait que vous ignorez le combat des élus locaux pour maintenir, parfois "ressusciter", si possible amplifier tout simplement la vie dans les petites localités rurales par exemple. « Bien peu par rapport à l’enjeu » écrivez-vous, mais qui vous dit que « le redressement financier de la France », « la cessation de l’augmentation de la dette », « l’arrêt de la hausse des remboursements » ont la moindre chance d’aboutir dans ces conditions ? Avez–vous déjà réfléchi à ce que pense un laissé-pour-compte de la société, un chômeur, un smicard, un petit agriculteur ou un modeste retraité quand il découvre, ébahi, les stock-options, les parachutes dorés, le coût d’une soirée à Las Vegas, les profits faramineux ou tout simplement la déclaration méprisante (ce n’est pas la seule) d’un porte-parole irresponsable du gouvernement arguant que la ministre du Travail aurait gagné encore plus à vendre ses actions seulement maintenant ? Qui vous dit que nous ne serons pas, une fois de plus, les "dindons de la farce" ?
Il faut bien essayer me rétorquerez-vous. « Qu’on fasse tous les efforts nécessaires », soit mais, à moins d’être déconnecté du volet social – ce que je ne crois pas - n’avez-vous pas remarqué que ce sont souvent les mêmes qui sont mis à contribution… si je puis dire.
Des signaux très intéressants tant sur le plan intérieur qu’à l’international pouvaient laisser penser à un bon départ du quinquennat. Hélas, entre le candidat quêtant des soutiens pendant la campagne électorale et sans pour autant vouloir écrire une liste des volte-face et retournements, des erreurs de Com, des décisions brutales, des affaires toujours en cours, des silences aussi, le président tout puissant qu’il est devenu, imbu d’autoritarisme, probablement "glorifié" pense-t-il par son ascension fulgurante, ne me fait plus rêver.
Je ne dois pas être le seul car la pétition, peut-être mesquine aux yeux de certain(e)s qui vient de le faire reculer sur sa volonté d’attribuer un statut à son épouse (« faites ce que je dis mais pas ce que je fais ») en est un signe.

Même vous, Monsieur le Président du Comité éditorial, malgré vos incitations méritoires à nous élever à la hauteur de l’enjeu, j’ai le sentiment, qu’en parlant dans votre éditorial, plusieurs fois de vacances et de rentrée - « gouvernementales », « pas commencées et voici qu’on pense aux difficultés de la rentrée », votre « Rendez-vous à la rentrée » ne résonne pas aux oreilles des lecteurs, en tout cas à celles du fidèle abonné au journal "Ouest-France" que je suis, d’une note aussi optimiste que vous le souhaiteriez.

Merci de m’avoir, peut-être, lu.

Respectueusement.
Jean NOËL

Toutes les photos de Les Voivres