Mon "Pot (Mot) de départ"

- Image de fond : vue générale du Prytanée,
- En médaillon, les deux clochers de l’Église Saint-Louis (photo juillet 2016, prise lors de la visite de Claudine et René Morel),
- Carton d'invitation à mon "Pot de départ",
- Conversation avec mes deux "patrons" du moment, le Colonel commandant le Prytanée et Chef d’Établissement et le Proviseur,
- Civil, quelques jours après...

►Mon "Mot de départ"

Mon Colonel, Monsieur le Proviseur, Mesdames Messieurs, camarades et amis,

Dans le cadre de la réduction des effectifs et afin d'aider le Ministre de la Défense à réussir la restructuration des Armées, manquant aussi - sans doute par ma faute - de perspectives nouvelles, j'ai demandé, comme vous le savez, mon placement en position de retraite à compter du 7 décembre 1997.
Pour plagier le Préfet de la Sarthe disant au revoir à Mme Polvé, Sous-Préfet de La Flèche, le 8 septembre dernier : « Certains diront DÉJÀ , d'autre penseront sans aucun doute ENFIN ».
La boucle est en effet bouclée ou, comme le dit mieux que moi Bernard-Henri Lévy : « Voici venu le moment du reste de la vie ».
L'aventure a commencé, il y a près de 40 ans maintenant, en 1958 à l'Ecole Militaire Préparatoire d'Autun. Négligeant en effet la tristesse de mon instituteur, le brave Monsieur Jeannette, qui me souhaitait plutôt une carrière semblable à la sienne, j'avais passé, par vocation et l'ambition de devenir sous-officier, le concours d'entrée "aux Enfants de Troupe" comme on disait à l'époque. Parvenu jusqu'à la classe de 3ème assez confortablement, les choses se sont gâtées avec l'introduction en Seconde des mathématiques dites "modernes". Que les professeurs enseignant cette discipline se rassurent ! Pour autant, je ne leur en veux pas.
L'âge aidant et la fortune de mes parents - que je remercia au passage pour leur courage de petits paysans/ouvriers - ne s'étant pas améliorée, je décidais de gagner ma vie moi-même et signais le 18 juin 1965 pour l'Ecole d'Artillerie alors à Châlons-sur-Marne. Le 11ème RA à Offenburg en Allemagne, l'Ecole Militaire de Strasbourg, le 20ème RA à Poitiers, un détachement auprès de la COFRAS à Khamis Mushayt en Arabie Saoudite, le 61ème RA à Morhange dans la région de Metz, "Casque blanc" sur le "Ligne verte" de Beyrouth et enfin muté au Prytanée National Militaire par les bons soins du colonel alors à la DPMAT, voilà brossé le tableau de mes différentes affectations.
Si je devais faire un bilan, je dirais qu'à défaut de brillants brevets ou diplômes, il reste entre autres et en quelque flashs :
> d'abord MES JEUNES ANNÉES à Autun : j'étais alors de l'autre côté de la barrière et je n’imaginais pas devenir un jour "Surgé" !
> puis UNE CERTAINE EXPÉRIENCE de la vie, acquise grâce aux relations humaines tissées d'abord et surtout avec mes soldats appelés que j'ai commandés à l'instruction, en manœuvres comme équipages de char ou équipes topographiques, en stages commando, en patrouilles de surveillance aux frontières... puis, au hasard de stages, mutations ou détachements, la connaissance d'autre êtres et d'autres peuples, allemands, saoudiens, américains, pakistanais, libanais, maliens.
> par ailleurs UNE ADMIRATION .sans borne pour ce capitaine partant en footing le lendemain de sa prise de commandement malgré une jambe bloquée à jamais par la faute d'un chauffard ivre. Il n'avait pas besoin non plus de fanion de commandement dans les chemins enneigés de la Forêt Noire ; la jambe raidie par l'accident mais aussi par le froid et dépassant de sa Jeep y pourvoyait.
Admiration encore pour ces sous-officiers, souvent chargés de famille, préparant intensément et courageusement l'EMIA à Strasbourg ou cet autre sous-officier présentant et réussissant, à 50 ans, le concours des majors.
> en outre, UNE GRANDE AMITIÉ, estompée hélas par le temps et la distance, pour Roger Aaraj, interprète libanais qui par sa compétence et sa gentillesse a sans doute été ma meilleure assistance dans de nombreux domaines pendant 28 mois en Arabie. Je lui avais promis de tout faire pour aller me rendre compte de l'état de son Pays qu'il m'avait décrit, un peu partialement dois-je dire. L'opportunité se présenta quelques années plus tard lorsque le capitaine Duporté - il sait qu'il a tout mon respect et ma reconnaissance - eu la délicatesse de ne pas me trouver subitement indispensable et donna son accord pour mon départ à Beyrouth. Je pus alors voir de près la folie des hommes, constater la souffrance des civils - comme souvent - et mesurer la difficulté pour un militaire de tenter de réussir sa mission de "soldat de la paix" sans toutefois en manger son chapeau, en l’occurrence son casque ! C'était l'époque où l'on dénombrait près de 60 milices. L'occasion aussi, pour 3 anciens élèves de la 1ère M 2 d'Autun de se revoir 20 ans après. Quel hasard et quelle joie !
> enfin UNE IMPRESSION étrange et contrastée, qu'il me faudra analyser avec du recul, de mon séjour au Prytanée, cet établissement prestigieux où je devais, un an et quelques mois après mon arrivée, sur le tas et sur le tard, accepter la fonction de CPE.
§ Elle m'a apporté beaucoup. §
D'abord la découverte de l'Education Nationale - le fameux mammouth - selon l'expression maintenant bien connue. Puis des relations - souvent très bonnes - avec les professeurs. Que l'on se sent petit, modeste - et parfois seul - face à ces chaires supérieures, agrégés et autres hors classe et en même temps admiratif devant leur énorme travail. Le moraliste Joseph Joubert a eu raison d'écrire : « Enseigner, c'est apprendre deux fois ». La tâche également d'organiser la vie scolaire - pas toujours facile au regard de trop nombreuses contraintes -. Le contact avec les élèves - parfois rugueux mais toujours enrichissant -, le bonheur de les voir réussir leur rêve pour une bonne partie d'entre-eux, mais aussi le regret de n'avoir pas su suffisamment motiver les moins ardents, partageant avec eux tous leurs interrogations sur l'avenir. Des relations aussi avec l'encadrement des compagnies ou les services - acceptées par les uns, quelquefois mal perçues ou rejetées par les autres -.
§ Cette fonction m'a aussi pris - et parfois coûté - beaucoup. §
Je saisis cette occasion pour demander à ceux ou à celles de la catégorie ENFIN d'excuser mes maladresses, voire mes injustices, les remercier aussi d'avoir été, en quelque sorte, une des aides à la décision quand il s'est agi, en décembre 96, de signer le formulaire de mise à la retraite.
Je veux aussi, tout naturellement et très sincèrement, dire un merci chaleureux à toutes celles et à tous ceux qui m'ont aidé et soutenu (il y en a également de nombreux toutes catégories confondues) dans mon métier de sous-officier adjoint aux 4ème, puis 3ème Cie, dans mon rôle de Vice-Président des sous-officiers pendant 2 ans, à mon poste de CPE (je souhaite bonne chance à M. Stibler, mon successeur) et dans la charge que je conserve, celle de Secrétaire de la 76ème Section des Médaillés militaires de La Flèche.

Il est non seulement traditionnel mais aussi certainement très sage, à l'heure de prendre la retraite et donc d'être plus souvent à la maison, de remercier la compagne sans qui une grande partie de ce chemin aurait probablement été plus difficile. C'est pourquoi, avant de vous proposer de lever nos verres au Prytanée, je voudrais lui offrir ces quelques fleurs.

Toutes les photos de Les Voivres